Une étudiante chinoise de Saint-Etienne témoigne: “La majorité de mes camarades sont rentrés en Chine, moi je suis restée. C’est pas du tout facile”
YIN Heng, originaire de la province du Hunan (Chine) et étudiante à l’Université de Suzhou, est venue à Saint-Etienne en septembre 2019 pour une année d’étude. C’est une des 13 étudiantes venues à Saint-Etienne dans un programme d’échange. Mais la crise provoquée par le coronavirus- COVID 19 a bouleversé les étudiants étrangers. 11 d’entre eux ont décidé de rentrer en Chine.
Ce n’est pas le cas de YIN Heng qui a décidé de rester à Saint-Etienne et de continuer l’année d’études.
Tu as décidé de rester à Saint-Etienne et de continuer les études. Pourquoi?
Je pense que c’est dommage d’abandonner mes études à Saint-Etienne et je n’ai jamais imaginé que je devrais faire un tel choix terrible. Et quand je pensais aux administrations compliquées et aux risques existants pendant le voyage de retour en Chine, j’étais déjà fatiguée. Au fond de mon cœur je voulais rester, même si il y a autant de risque entre rester ou partir. Il y a aussi des risques d’attraper le virus pendant la route de retour. Je me suis dit que je n’étais pas préparée à un long voyage d’avion stressant. J’ai l’impression que j’ai encore des choses à faire ici, en France, je ne veux pas quitter ce pays. Alors, j’ai décidé de rester.
Vous étiez 13 étudiants à Saint-Etienne venant de l’Université de Suzhou. Tes camarades sont rentrées en Chine. Pourquoi ont-ils décidé de rentrer chez eux?
C’étaient d’abord quatre camarades de Grenoble qui ont décidé de rentrer. Les quatre ont pensé que la ville de Grenoble était très proche d’Italie où le virus se propageait trop vite, et ça leur faisait peur. Après avoir su la décision des étudiantes de Grenoble, nous avons commencé à réfléchir sur la question de rentrer ou pas. Je pense qu’il y avait plusieurs raisons qui les ont poussés à rentrer (moi aussi, je voulais bien rentrer en Chine mais bon, j’ai décidé de rester).
Premièrement, c’était l’inquiétude de nos familles de Chine qui espéraient que nous allions rentrer.
Deuxièmement, à ce moment-là, le virus se propageait très vite (aujourd’hui aussi) et nous craignions que la même chose arrive en France, (malheureusement, la même chose est apparue en France maintenant) ; dans ce cas, ce serait beaucoup plus difficile de rentrer (la diminution des vols et l’augmentation des prix d’avion). Il fallait donc prendre la décision le plus vite possible. Si on reste, on reste; si on part, on doit partir vite.
(C’était le 8 mars, après quelques heures de discussion et de communication avec la famille, huit d’entre nous ont décidé de rentrer; et deux jours après, trois autres ont décidé de rentrer.)
Troisièmement, les professeurs de l’Université de Suzhou sont aussi inquiets pour nous, ils nous ont transmis ce message: priorité à notre santé et ils nous ont conseillé de rentrer en Chine, mais ils ont dit qu’ils allaient respecter notre décision personnelle.
Enfin, la situation en Chine était déjà mieux qu’ici. Notre pays nous rassurait mais la France, non. En France, la plupart des gens pensaient que le coronavirus était juste une grosse grippe, cette idée nous faisait aussi peur puisque nous avions vu tout ce qui s’était passé en Chine, surtout à Wuhan et combien le virus était effrayant. On est ici en tant qu’étranger, si jamais on est contaminé ou plus grave, on risque de mourir, on n’est pas sûr d’être sauvé. (Des actualités des derniers jours montrent qu’en Italie les médecins sont confrontés au fait de choisir de soigner l’un ou l’autre à cause de la pénurie des matériaux et la nuée des patients.)
Comment fais-tu tes études en ce moment de confinement?
Je suis des cours en ligne avec le CILEC. Heureusement il y a Internet.
Comment tu te débrouilles dans cette situation avec tes courses à faire?
Je n’ai pas fait de courses depuis une semaine, et je crois que j’ai encore de la nourriture pour cette semaine. Après j’irai au Carrefour le plus proche (5 minutes à pieds) pour acheter une bonne quantité d’aliments pour une ou deux semaines. En tout cas, il faut réduire les déplacements.
Tu es inquiète de tous ce qui ce passe maintenant en France avec le coronavirus? A quel point?
Oui, je suis inquiète. Même si le gouvernement nous a demandé de rester chez nous, il y a des gens qui ne respectent pas les consignes. Puis, tous les jours, le nombre de cas de contaminés augmente en France et les chiffres en Italie sont vraiment horribles, j’espère que la situation en France ne va pas suivre le pas de l’Italie, je le souhaite tous les jours. Enfin, c’est l’inquiétude au sujet de la durée, on ne sait pas combien de jours cela va durer. Quand j’y pense, je soupire. Ah, c’est pas du tout facile de vivre comme ça, la vie n’est pas belle en ce moment, mais il faut toujours rêver de mieux et tout va mieux.
Propos recueillis par Elena Robu, journaliste ER NEWS France