La solidarité d’un fromager français en Moldavie : « J’aime vraiment les gens, la culture, les paysages, l’authenticité qui s’en dégage »
Il s’appelle Fred Gonnetan, un ancien menuisier qui a grandi dans le Jura. Il a décidé il y a 6 ans de changer de vie, pour s’installer en Moldavie.
« En Moldavie j’ai restauré une maison et je m’oriente vers une autonomie alimentaire ainsi qu’une vie saine. Avec un ami nous avons aussi développé une fromagerie solidaire, qui permet de rémunérer des familles en leur achetant leur lait. On fabrique ensuite le fromage avec des méthodes françaises, que l’ont revend ensuite à Chisinau, la capitale », témoigne sur ER NEWS, Fred Gonnetan.
En outre, il a créé une chaine YouTube qui s’appelle „Fred in Moldova” sur laquelle il partage son quotidien, son choix de vie et ses expériences.
ER NEWS : Quel a été le déclic pour quitter la France?
Fred Gonnetan :J’ai quitté la France quand j’ai découvert la Moldavie. Je recherchais un mode de vie plus simple, plus proche de la nature et des saisons. Après être allé en Moldavie plusieurs fois pour aider une association appelée « Vent D’est », j’ai décidé de tout quitter pour m’installer là-bas. Bien-entendu, j’aurai très bien pu avoir cette vie aussi en France, mais les conditions ne sont pas les mêmes, et je n’aurais jamais pu faire tout ce que j’ai fait jusqu’à présent.
Pourquoi la Moldavie ?
Fred Gonnetan : J’aime vraiment les gens ici, la culture, les paysages, l’authenticité qui s’en dégage. Comme les villages sont encore très paysans (et ce n’est pas péjoratif de dire ça), il y a beaucoup de facilité à tout faire soi même. Faire son jardin, son vin, son fromage, avoir des animaux.
Avez-vous beaucoup d’amis qui ont fait le même choix que vous?
Fred Gonnetan : Je connais plusieurs Français qui ont fait aussi ce choix, ils sont dans d’autres villages. La plupart sont venus car leur femme est moldave. De mon côté, je peux dire que si je suis ici, ce n’est pas pour une femme, mais bien pour l’amour que j’ai pour ce pays.
Le choix du lieu d’installation est également important. Comment avez-vous trouvé le village ?
Fred Gonnetan : C’est par le biais de cette association « Vent D’est », le président est français et connait bien ce village en particulier. Donc à force de venir ici pour développer certains projets, je n’ai pas eu beaucoup à chercher pour trouver l’endroit idéal. J’habite à 100 mètres de la fromagerie où je travaille !
Une fois installé, comment vous vous êtes habitué à la vie locale ?
Fred Gonnetan : Cela s’est fait très facilement. Les Moldaves sont des gens très chaleureux et accueillants. Je suis aussi très curieux de leur culture qui me surprend encore aujourd’hui après 6 ans passés ici.
Dans quelle mesure vous sentez-vous intégré en Moldavie?
Fred Gonnetan : A part pour la difficulté à obtenir un visa, je pense être très bien intégré ici. Tout le monde me connait dans le village comme « le Français » qui s’est installé ici. Je garderai toujours cette étiquette, mais ça ne me dérange pas. Je respecte énormément leur mode de vie, et je m’intéresse aussi beaucoup à leur savoir-faire.
Comment se sont passés les premiers jours à Horodiște ?
Fred Gonnetan : C’était en automne 2013. Ce n’était pas du tout la meilleure saison pour découvrir le pays, mais je me rappelle très bien avoir été invité chez une babushka pour son anniversaire, et nous avons bu et mangé toute la nuit. J’en garde un souvenir inoubliable. Je retourne souvent voir cette dame maintenant.
En parlant tradition, culture, qu’est-ce qui attire votre attention en particulier?
Fred Gonnetan : La religion est très présente. Ce qui me semble le plus étrange, c’est le nombre incalculable de jour férié. Il y en a toutes les semaines !
Avez-vous appris la langue roumaine avant votre arrivée en Moldavie ou la connaissiez-vous déjà?
Fred Gonnetan : J’ai appris la langue sur place. Cela m’a pris beaucoup de temps, car l’accent y est très prononcé, et le mélange avec la langue russe ne facilite pas du tout l’apprentissage !
La communauté du village est-elle importante? Dans votre cas, avez-vous des relations étroites avec vos voisins, vous entraidez-vous?
Fred Gonnetan : Oui bien sûr. Mon voisin est menuisier, il m’a beaucoup aidé pour ma maison, et je vais souvent chez lui dès que j’ai besoin d’un peu de bois, de copeaux, ou de plein d’autres choses. Le village compte environ 800 habitants. Je ne connais pas tout le monde évidement, mais il est rare de traverser le village sans croiser quelqu’un que je connais.
Quels sont les avantages de vivre à Horodiște? En Moldavie ? Dites-nous en plus à ce sujet.
Fred Gonnetan : La vie y est plus simple, plus agréable. Je me sens plus libre aussi. Même avec cette pandémie aujourd’hui, je ne ressens aucune difficulté, contrairement en France, ou la situation est beaucoup plus dure et délicate. Les saisons sont aussi beaucoup plus marquées. C’est ce qui rythme aussi nos journées. Chaque période de l’année est différente, avec des activités différentes.
À l’inverse, quels sont les principaux inconvénients?
Fred Gonnetan : L’accès aux soins, mais je suis encore jeune, donc ce n’est pas trop un problème. Je dirai aussi que globalement, il est difficile de trouver du bon matériel (que ça soit les outils ou des fournitures). C’est certes bon marché, mais pas de très bonne qualité.
Que souhaitez-vous prendre de la France et apporter à la Moldavie ?
Fred Gonnetan : Le comté et le savagnin ! Plus sérieusement, je dirai la politesse.
Que souhaitez-vous prendre de la Moldavie et apporter à la France ?
Fred Gonnetan : La simplicité dans les relations humaines, être moins dramatique et plaintif au quotidien, et aussi plus fataliste, dans le sens d’accepter les choses qui sont là et qui ne dépendent pas de nous. Quand on monte dans un bus et que la porte ne veut pas se fermer quand il démarre car elle est bloquée, alors qu’il fait -12° en plein hiver, au prix du ticket de bus on n’engueule pas le chauffeur, on ne se plaint pas non plus à son voisin. On accepte les conditions, on en rigole et ça fait de bons souvenirs à raconter plus tard !
Si vous deviez définir la Moldavie en 3 mots ? Quels mots choisiriez-vous ?
Fred Gonnetan : Je dirais liberté, authenticité, et simplicité.
Veuillez partager avec nous un événement ou une expérience unique de votre vie en Moldavie.
Fred Gonnetan : Un soir en plein hiver, un ami m’a poussé à l’accompagner vers un lac. On est partis en voiture en pleine nuit, pour se retrouver au milieu de nulle part, on a pêché à la barque en pleine nuit, et nous avons fait un barbecue avec le poisson. D’autres gens nous ont rejoint, dont une personne qui est venue à cheval et qui m’a emmené faire un tour. Il faisait -2° et j’étais frigorifié, mais c’est l’une des soirées les plus improbables et inoubliables que j’ai vécues ici.
Y a-t-il une grande communauté française en Moldavie? Avez-vous été en contact avec eux ?
Fred Gonnetan : Il doit avoir environ une soixantaine de Français installés ici en Moldavie. C’est très peu, du coup tout le monde se connait plus ou moins. Mais ce n’est pas une communauté très soudée, comme on pourrait le voir venant d’autres pays. J’ai cependant quelques amis que je vois régulièrement cependant.
Avec vos amis, vous avez ouvert une entreprise qui fabrique du fromage suivant la technique française. Comment une fromagerie solidaire a changé la vie de Horodiște ?
Fred Gonnetan : Je n’aurai pas la prétention de dire que ça a changer la vie à Horodiste, mais disons que nous sommes assez populaires. Nous achetons le lait à une douzaine de personnes. Nous avons aussi financé l’achat de vaches pour des gens qui n’en avaient pas les moyens. C’est vraiment chouette de pouvoir créer un revenu dans un environnement ou il y a très peu d’opportunités en général.
La démarche de déménager en Moldavie et votre quotidien peut être vue sur une chaîne YouTube merveilleuse. Pourquoi avez-vous décidé de partager votre histoire?
Fred Gonnetan : De manière générale, on me pose beaucoup de questions sur mes choix de vie, pourquoi je suis ici, qu’est-ce que je fais de mes journées. C’est sans doute assez atypique, et les gens ne peuvent pas vraiment s’imaginer ce que je vis ici au quotidien. C’est une occasion de parler de la Moldavie, et d’un mode de vie dont beaucoup de gens sont nostalgiques.
On entend souvent dire que les campagnes moldaves se dépeuplent… Pensez-vous parfois à la nostalgie qu’ont les Moldaves pour leur propre village ?
Fred Gonnetan : Comme partout ailleurs, il y a beaucoup de gens qui recherchent une vie simple à la campagne. C’est l’absence d’opportunités et de confort qui font que les villages se vident. C’est vraiment dommage, car c’est un mode de vie intemporel qui est en train de disparaître sous nos yeux.
Quel message envoyez-vous aux Français sur la Moldavie ?
Fred Gonnetan : La Moldavie n’est pas un pays qui se visite, mais un pays qui se vit !
Propos recueillis par Ana Scripliuc