Interview avec Véronique North-Mincà, ancienne diplomate (2/3): « Oui, mais le Camembert c’est quand même meilleur … »
« Oui, mais le Camembert c’est quand même meilleur … »

Véronique North-Mincà, ancien chef-adjoint de mission diplomatique (Ambassade de France à Chişinau, 2006-2010). A rejoint le Ministère français des affaires étrangères en 1980. A exercé aussi bien en administration centrale (Quai d’Orsay) qu’en diverses capacités dans les représentations diplomatiques et consulaires françaises en Roumanie, au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne, en République de Moldavie et en Bulgarie. A la retraite depuis 2015, elle s’est installée dans le sud-ouest de la France, au Pays basque, avec son époux. Elle garde un intérêt marqué pour l’actualité internationale et conserve de fortes attaches dans tous les pays dans lesquels elle a exercé et où elle a noué des amitiés précieuses qu’elle continue à entretenir. Son hobby est depuis toujours la photographie à laquelle est s’adonne pour son propre plaisir mais aussi en soutien à des associations locales à but non lucratif promotrices de la ruralité et des traditions populaires du Sud-Ouest.
ER NEWS France: A quel point les Français se plaignent-ils de tout : de leur vie, de leur gouvernement, de leur travail?
En France, plus que dans tout autre pays, les attentes à l’égard de l’État sont particulièrement fortes. En effet, dès 1789, c’est l’Etat jacobin qui organise le pays dans ses moindres détails. Le Français est ainsi rassuré et protégé. C’est grâce à l’impôt, prélevé par l’Etat de diverses manières, qu’est organisé et financé le service public. Un service public d’ailleurs particulièrement généreux comparé à celui existant dans d’autres pays.

Pour les Français, l’Etat doit montrer le chemin et l’exemple, l’Etat doit redistribuer la manne – qu’ils jugent souvent inépuisable – de l’impôt de manière la plus égalitaire possible. Tout en attendant tout de l’Etat, chacun pense évidemment qu’il est plus égal que son voisin. Le Français qui, plus que tout autre, a du mal à réconcilier les notions de droits et d’obligations, a une nette propension à attendre tout ou presque de l’Etat et à ne lui pardonner aucune erreur. Et ainsi en va-t-il, peu importe les gouvernants en place. Alors il râle, il manifeste, il fait la grève parfois jusqu’à paralyser le pays tout entier, espérant le faire plier, cet Etat qui lui doit tout.

Charles de Gaulle disait: “Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ?”. Aujourd’hui il en a plus de 1200. Et pourtant, c’est possible?
Visiblement c’est possible, puisque les élections présidentielles suscitent toujours autant de vocations et l’on constate tous les 5 ans que mêmes les candidats les plus fantaisistes se disent prêts à en découdre. A cet égard, il est intéressant de noter que la majorité des députés élus LREM (La République en Marche) étaient issus de la société civile : cadres et employés du privé, chef d’entreprises, professions libérales, responsables associatifs, etc. Ravis d’avoir remporté leur circonscription face à des professionnels de la politique issus de partis historiques, beaucoup ont assez vite déchanté, peu rompus qu’ils étaient aux arcanes de la politique politicienne, manquant de culture « maison » (l’Assemblée Nationale a ses règles, chargées d’histoire et immuables), mais aussi surpris par l’ampleur de la tâche qu’on attendait d’eux. Ils sont aujourd’hui nombreux à avouer ne pas vouloir briguer un nouveau mandat.

Les Français ne peuvent imaginer leurs vie sans fromage et sans vin. Un mythe ou une réalité?
Disons que c’est presque la réalité. Pour avoir exercé dans le tourisme dans une vie antérieure, je dois reconnaître que la clientèle française que j’ai pu accompagner il y a plusieurs décennies dans différents pays d’Europe ne se montrait pas particulièrement curieuse des gastronomies locales et il arrivait bien souvent que le camembert soit mentionné comme maître-étalon dans les conversations à table. Camembert resté dans l’Hexagone alors que nous dégustions un délicieux Kefalotyri devant une mer d’azur, à la terrasse fleurie d’un petit port grec. « Oui, mais le Camembert c’est quand même meilleur … » Fort heureusement les temps ont changé : les voyages et l’abondance des photos culinaires sur Instagram contribuent aujourd’hui largement à éveiller les sens des Français et l’on peut se réjouir qu’ils se montrent à présent curieux de diversité, tout en restant attachés à leurs goûts premiers.

Pour ma part, j’aime autant le fromage que le bon vin. Pour avoir exercé mes fonctions et vécu dans divers pays producteurs de l’un comme de l’autre, j’ai toujours pris le parti de soutenir l’économie locale en attendant de retrouver avec délices, lors de vacances en France, le bon goût d’un Roquefort accompagné d’un bon Sauternes ou d’un Munster goûteux rincé, comme il se doit, au Riesling et saupoudré de cumin.
Propos recueillis par Elena Robu
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