Interview avec Véronique North-Mincà, ancienne diplomate (1/3)

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« Les Français ont ressenti ce confinement comme une atteinte à leur liberté d’aller, de venir, de sortir entre amis dans leurs cafés et leurs restos favoris »

Véronique North-Mincà, ancienne diplomate

Véronique North-Mincà, ancien chef-adjoint de mission diplomatique (Ambassade de France à Chişinau, 2006-2010). A rejoint le Ministère français des affaires étrangères en 1980. A exercé aussi bien en administration centrale (Quai d’Orsay) qu’en diverses capacités dans les représentations diplomatiques et consulaires françaises en Roumanie, au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne, en République de Moldavie et en Bulgarie. A la retraite depuis 2015, elle s’est installée dans le sud-ouest de la France, au Pays basque, avec son époux. Elle garde un intérêt marqué pour l’actualité internationale et conserve de fortes attaches dans tous les pays dans lesquels elle a exercé et où elle a noué des amitiés précieuses qu’elle continue à entretenir. Son hobby est depuis toujours la photographie à laquelle est s’adonne pour son propre plaisir mais aussi en soutien à des associations locales à but non lucratif promotrices de la ruralité et des traditions populaires du Sud-Ouest.

ER NEWS France: Le monde traverse une crise sans précédent liée au COVID-19. Comment les Français vivent-ils cette période inédite?

Véronique North-Mincà: Les Français ont eu à faire face, comme le reste du monde, à une situation inédite laquelle, du jour au lendemain, a fait basculer non seulement leur quotidien, mais aussi leur mode de vie, leurs repères culturels, jusqu’à leurs sacro-saints acquis qu’ils ont pour habitude de défendre, bec et ongles, sur toutes les barricades. Les Français ont ressenti ce confinement comme une atteinte à leur liberté d’aller, de venir, de sortir entre amis dans leurs cafés et leurs restos favoris, de se faire la bise, de faire la fête alors que le printemps pointait son nez. Ils se sont sentis perdus face à des directives qui leur ont paru contradictoires de la part des plus hautes autorités de l’Etat qui agissaient sur les recommandations d’un Conseil scientifique loin d’être omniscient.

Bistrot fermé en France, photo: Véronique North-Mincà

Après avoir minimisé le début de la crise en poursuivant pique-niques et rassemblements déjà labellisés « activités à risque », ils ont assez vite été rattrapés par l’accélération dramatique de la situation chez nos voisins italiens et espagnols. L’émergence du fameux « cluster de Mulhouse » suite au rassemblement en masse, fin février, d’une congrégation baptiste dont les conséquences ont été dramatiques (https://www.dna.fr/fil-info/2020/04/13/epidemie-le-rassemblement-evangeliste-de-mulhouse-a-tout-fait-basculer) a contribué à accélérer la prise de conscience.

Devant l’ampleur que prenait la contamination dans leur propre pays, les Français ont fini par comprendre. Comprendre que le confinement était une nécessité en raison des capacités hospitalières inadaptées, comprendre qu’ils ne pouvaient plus rendre visite à leurs aînés en maison de retraite ou faire garder leurs enfants par des grands-parents encore vaillants et qui risquaient plus que tous les autres de tomber malades. Ils ont également fini par comprendre que leur soif de liberté soudainement requalifiée en irresponsabilité pouvait leur faire écoper d’une amende non négligeable.

Emmanuel Macron, président de la République

Pendant ce temps, les autorités faisaient montre d’une pédagogique renforcée par le biais de conférences de presse quotidiennes visant à informer les Français sur l’évolution de la situation et des capacités hospitalières disponibles, avec force graphiques. L’occasion de multiplier les conseils et mises en garde au regard des dernières connaissances acquises sur les multiples manifestations de la maladie, ce qui a d’ailleurs été perçu par beaucoup de Français comme autant de volte-face.

Toutefois, ils ont fini par se plier aux exigences de la situation, fermant leur porte, mais pas leur fenêtre, sur leur vie sociale et leur « liberté chérie » pour une parenthèse inédite dont personne n’aurait initialement pu imaginer la durée. Ils ont appris à vivre et, pour certains, à travailler autrement, ils se sont mués en instituteurs, ils ont réinventé leur quotidien avec plus ou moins de bonheur, sachant faire preuve d’une créativité inouïe et, souvent, d’un altruisme insoupçonné.

Ils ont vu la nature malmenée par l’humanité reprendre ses droits, fait connaissance avec leurs voisins autour d’apéros-balcon, prouvant ainsi que la convivialité pouvait exister « autrement », rendu bruyamment hommage aux personnels soignants tous les soirs à 20h00.

Certains ont aussi connu l’abîme de la solitude alors que la recrudescence des violences conjugales faisait de nouvelles victimes. Certains en sortiront renforcés, d’autres…divorcés.

En dépit des nombreuses aides mises en place par le gouvernement pour atténuer les effets financiers du confinement sur les salariés, cette crise a été révélatrice des inégalités sociales qui existent en France – comme ailleurs -, les zones les plus touchées étant celles qui connaissent la densité de population au mètre carré la plus élevée.

Quant aux plus vulnérables d’avant, les sans-papiers et sans-abri, ils le resteront dans « la vie d’après ». Il faut à présent que les Français se retroussent les manches et mettent les bouchées doubles pour faire rebondir leur pays.

Ils en sont capables, sauf qu’avant cela, il y a un autre impératif : les vacances !

La suite demain

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