Fête Nationale de la Roumanie : « Depuis la France, les gens qui ne connaissent pas la Roumanie en ont une image tronquée voire fausse »

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Il y a 102 ans, le 1 décembre 1918, les Roumains ont vu s’accomplir l’idéal séculaire de liberté, unité et dignité nationale de plusieurs générations: la fondations de la Roumanie moderne.

Julien Daillère est un auteur, comédien, metteur en scène de Clermont-Ferrand qui a fait son doctorat en arts du spectacle à Targu Mures en Roumanie. A l’occasion de la Fête Nationale de la Roumanie l’artiste témoigne sur ER NEWS France comment il a trouvé la Roumanie pendant ses années d’études dans ce pays peu connu pour beaucoup de Français.

Peux-tu rapidement te présenter ?

Je m’appelle Julien Daillère, je travaille comme auteur, comédien et metteur en scène, principalement avec la compagnie de spectacle vivant La TraverScène. Je suis docteur en arts du spectacle et je poursuis aujourd’hui cette dynamique de recherche de manière pratique, en tant qu’artiste. J’habite à Clermont-Ferrand près du magasin « Dor de Casa » où je vais parfois discuter avec Adela pour acheter de la zacusca, des fromages frais roumains et d’autres spécialités qui me rappellent mes années en Roumanie.

Julien Daillère à Cluj pour le programme « Arta in autobuz » qu’il l’a animé là-bas / Photo Anita Jambor

Pourquoi as-tu choisi de faire tes études de doctorat en Roumanie?

Fin 2014, je voulais faire une pause dans mon parcours d’artiste en France, aller vivre un temps à l’étranger. Je m’interrogeais également beaucoup sur le théâtre contemporain, sur certaines formes qui apparaissaient et qui me questionnaient. J’ai d’abord pensé à l’Allemagne car j’ai fait un échange Erasmus à Munich pendant mes études de commerce à l’ESSEC. Et puis j’ai rencontré le professeur Sorin Crisan lors d’une conférence sur le théâtre à Paris, après son intervention particulièrement brillante. Je me suis présenté à lui et nous avons beaucoup parlé. Il m’a proposé de faire un doctorat sous sa direction, en français, à l’Université des Arts de Targu Mures dont il est le président.

Julien Daillère et sa soeur Floriane à Tragu Mures

Comment as-tu trouvé ce pays?

Début 2015, après quinze jours entre Berlin et Leipzig, j’ai fait un voyage de repérage à Targu Mures. Je ne savais pas encore dans quel pays je voulais déménager mais j’avais commencé d’apprendre le roumain. J’ai eu un coup de cœur pour cette ville qui m’a semblé un peu en chantier, comme moi à ce moment-là. J’ai éprouvé une grande tendresse et une forme de nostalgie immédiate en me baladant sur les bords du Mures, en regardant les vieux immeubles, les corbeaux qui se rassemblent sur les toits en fin de journée…

Parmi tous les lieux que tu as visité en Roumanie, lesquels te tiennent le plus à cœur et pourquoi ?

La Transylvanie en général. Après Targu Mures, je suis parti vivre à Cluj Napoca. J’ai dans ces deux villes des amis qui me sont très chers. A Targu Mures, j’ai tout de suite sympathisé avec un groupe d’amis magyars et aussi avec une amie qui m’aidait à mieux parler roumain, Hortensia Silvia Ormenisan, qui nous a quittés depuis, et qui a énormément compté dans ma découverte de la culture roumaine de Transylvanie.

 

vue de son appartement à Cluj

 

Souvenir d’une balade sur les bords du Mures à Targu Mures

 

Je pense aussi à la Fabrica de Pensule à Cluj Napoca, un espace culturel indépendant qui a dû quitter son bâtiment d’origine à cause de la pression immobilière. L’équipe de Colectiv A m’avait permis de créer là-bas « C’est bon. E ok. Rendben. This is just a story », un spectacle multilingue qui a tourné pendant la Saison France-Roumanie 2019. J’ai une immense admiration pour tous les lieux culturels indépendants de Roumanie, leur capacité à inventer une culture roumaine d’aujourd’hui, dans une modernité qui n’oublie pas ses traditions, pour résister face aux pressions de la culture mainstream globalisée.

Julien Daillère en République de Moldavie pour un atelier avec l’OIF

 

Julien Daillère à Clermont-Ferrand dans le magasin « Dor de casa »

Quel est ton plat roumain préféré ?

La zacusca de mon amie Juliana qui ajoute une petite pointe de miel dedans ! J’aime aussi beaucoup les sarmale bien sûr !

Quelle est l’image de la communauté roumaine en France ?

Peut-être n’y a-t-il pas une seule et unique image de la communauté roumaine. Beaucoup de gens ont croisé en France des personnes d’origine roumaine, à un moment ou à un autre, dans leur vie personnelle ou professionnelle. Je rencontre souvent des gens qui me parlent de leurs amis roumains quand je dis que j’ai vécu là-bas plusieurs années. Mais il est vrai qu’il y a un ensemble de clichés autour de la communauté roumaine, par rapport auxquels les gens se positionnent. Ils en parlent. Et qu’ils soient pour ou contre, ils les entretiennent. Je n’en parlerai donc pas ici. Je dirai seulement que ces clichés correspondent à la variante française d’un imaginaire collectif européen qui donne à chaque pays un rôle, comme dans une série télévisée du genre Santa Barbara. Depuis la France, les gens qui ne connaissent pas la Roumanie en ont une image tronquée voire fausse, réduite à un certain rôle, tout comme l’Allemagne est souvent réduite à l’image d’un pays strict, organisé et peu généreux, la France à celui du pays des Droits de l’homme et des libertés. On voit bien, à travers les événements récents, que l’image et la réalité sont deux choses différentes. Que l’inertie de l’image est puissante, que les clichés s’en nourrissent, et inversement.

 

Julien Daillère pour le spectacle « This is just a story » au Musée des beaux arts de Cluj / Photo Roland Vaczi

Pourquoi la Roumanie est si peu connue en France?

Pour beaucoup de Français, oui, la Roumanie est peu connue. Peut-être parce qu’elle est loin géographiquement, peut-être parce qu’elle a été inaccessible et effrayante pendant les années de dictature, peut-être parce que les gens n’y vont pas beaucoup en vacances, peut-être parce que les Français ne savent souvent pas à quoi ressemble la langue qu’on y parle, et pour beaucoup d’autres raisons encore. C’est pour cela que les échanges culturels et humains sont si importants, pour permettre à plus de Français – comme il y en a de plus en plus – de découvrir les richesses et la complexité de ce pays et de sa culture.

Quel est le message que tu souhaites faire passer à l’occasion de la Fête Nationale de Roumanie?

Je souhaite que chaque personne de nationalité roumaine puisse s’épanouir dans un pays qui, comme tous les autres aujourd’hui, fait face à de profonds bouleversements. Je souhaite à ce pays de trouver là l’opportunité d’accompagner ses habitants vers un futur désirable par toutes et tous.

Propos recueillis par Elena Robu

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