Ciprian Apetrei, professeur de philosophie installé en France : « Les Roumains qui ont quitté leur pays attendent des changements profonds pour y revenir »

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Les Roumains viennent d’élire leurs nouveaux députés et sénateurs ce dimanche, 6 décembre 2020.  Le taux de participation se révèle historiquement bas, moins d’un tiers des inscrits ayant participé au scrutin.

ER NEWS a souhaité discuter de l’impact de ce scrutin sur l’avenir de la Roumanie avec Ciprian Apetrei, professeur de philosophie, journaliste pour la presse roumaine et passionné de photographie. Ciprian Apetrei habite en France depuis 9 ans, dont 7 ans en Bretagne. Il est également président de l’association « ACASA » France-Roumanie.

ER NEWS : Êtes-vous surpris par les résultats des élections législatives en Roumanie ?

Ciprian Apetrei : Oui et non. J’ai vu une tendance croissante à l’absentéisme pendant la campagne électorale. Un manque d’intérêt pour les élections, comme lors des élections de 2016. Cela favorise l’électorat stable du Parti social-démocrate, héritier du Parti communiste. Ils ont terminé les élections à la première place, mais n’ont pas obtenu suffisamment de voix pour proposer un gouvernement. Le Parti national libéral, partenaire des Républicains, actuellement au gouvernement, mais sans majorité parlementaire, est arrivé en deuxième place. Il était la principale cible d’absentéisme, pour leurs erreurs. Cependant, ce parti formera du nouveau le gouvernement, en coalition avec deux autres forces politiques, une alliance des partis progressistes, USRPLUS, membre du groupe européen Renew Europe, et UDMR, le parti de la minorité hongroise, un parti caméléon, qui a toujours participé au gouvernement avec le parti le plus fort de l’époque.

Le mécontentement contre toute la classe politique et les mesures sanitaires, très dures en Roumanie, ont favorisé un score important d’un nouveau parti, AUR, Alliance pour l’unité des Roumains, qui a repris beaucoup de sujets disparates, se présentant comme une alternative propre à la classe politique corrompue et désintéressée par le sort des électeurs. Je savais qu’ils pouvaient accéder au Parlement, mais personne ne prévoyait qu’ils pourraient atteindre 10%.

D’une certaine manière, tout le monde célèbre la victoire aux élections. Cette euphorie collective n’est pas du tout habituelle.

Est-ce que ces élections peuvent changer la donne en Roumanie ?

Ciprian Apetrei : Le nouveau gouvernement est en cours de négociation, sous l’arbitrage du président Klaus Iohannnis, supporter du PNL. S’il parvient à diriger le pays pour un mandat complet, ce serait une continuation de la politique du gouvernement actuel. Une voie européenne, un développement des infrastructures de transport et sanitaires, une poursuite du renforcement de la capacité de défense militaire : Objectifs qu’ils ont annoncés à chaque élection. Voyons s’ils seront réalisés !

Également, que la justice n’est plus influencée par la politique et qu’elle devient un facteur d’équilibre dans la société.

Alors qui va lutter contre la corruption, une pratique répandue en Roumanie ?

Ciprian Apetrei : Une réforme morale des habitudes politiques et l’embauche de professionnels honnêtes dans les postes administratifs sont nécessaires. Ainsi qu’un renforcement des institutions juridiques, bien sûr. Mais ceux-ci seuls, comme cela a été le cas jusqu’à présent, ne peuvent pas vraiment réussir. J’espère que le combat se portera sur les causes et pas seulement sur les conséquences.

Ces élections peuvent-elles faire changer les relations avec l’UE ? Si oui, dans quel sens ?

Ciprian Apetrei : Je ne crois pas. La Roumanie a une voie européenne assumée par toute la classe politique. Les seules critiques peuvent provenir du parti antisystème, mais se concentreront sur des questions mineures, telles que l’éducation dit du genre et la politique migratoire. J’espère que l’UE n’imposera pas au people roumain avec force de telles politiques, totalement étrangères. C’est la seule manière de produire une réaction négative aux politiques européennes.

Sinon, je pense que les relations resteront les mêmes. Avec un plus pour les fonds européens, nous avons la chance de voir enfin leurs effets bénéfiques. Cela augmenterait considérablement la confiance dans le système européen.

Enfin, est-ce que ces élections pourraient vous donner l’envie de revenir en Roumanie ? Pensez-vous que cela peut être le cas pour de nombreux roumains de la diaspora ?

Ciprian Apetrei : Non. Ou pas encore. Il reste à voir comment la Roumanie évoluera. Les résultats sont contradictoires, cela dépend de la façon dont nous les lisons. La victoire des socialistes effraie les Roumains de la Diaspora, qui ont toujours voté contre eux. En Roumanie, ils ont remporté près de 30% des voix, dans la Diaspora 3%. Mais ils ne dirigeront pas, et le nouveau gouvernement a des objectifs qui répondent aux attentes de ceux qui sont partis.

Mais il doit les mettre en œuvre. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Les Roumains qui ont quitté le pays attendent des changements profonds pour y revenir. Des routes décentes, une réduction drastique de la corruption, des hôpitaux qui ne font pas peur, une législation prévisible et un appareil d’État professionnel.

Ce sont des ambitions difficiles à atteindre, ils auraient besoin de l’aide de ceux qui ont l’expérience d’autres pays et qui sont prêts à participer à cet effort. J’espère que les politiciens roumains auront la sagesse de les écouter.

Propos recueillis par Elena Robu

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